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Le Retour des Cendres de Napoléon -2-

La Seine pour protection

La Belle Poule est à quai mais hélas rien n’est prêt à Paris.

Comment le cortège funèbre va-t-il arriver à Paris ? Pour le Roi, il faut éviter de traverser le territoire et tenir les foules provinciales qui peuvent se révéler imprévisibles et dangereuses. Le trajet fluvial par la Seine est choisi. Les architectes VISCONTI et LABROUSTE seront les maîtres d’œuvres de l’organisation et se mettent au labeur avec bien du retard. Pendant ce temps, la mission est immobilisée pendant six jours dans le port.

Le 04 decembre 1840, le Prince de JOINVILLE reçoit des instructions tres strictes : interdiction d’accoster le bâteau, seul les marins de corvées peuvent descendre de celui-ci pour le ravitaillement.

La Belle Poule ne peut assurer la navigation en eau douce, c’est un grand navire à voiles et il est inadapté au tracé sinueux de la Seine. Il est donc décider de transférer le cercueil sur le bâteau fluvial à vapeur La Normandie, commandé par le capitaine BAMBINE .Ce bâteau reliait Rouen et Le Havre quotidiennement en 7 heures.

Le 08 décembre 1840 : les salves d’honneurs, les cloches, les sonneries et un défilé précèdent vers midi le transbordement solennel. Le cercueil glisse alors vers le gaillard arrière du navire.A 14h30 le capitaine de MARTINENG pour le Courrier et le capitaine GOUBIN pour le Véloce donnent l’ordre de rejoindre La Normandie. Les 500 marins sont à leur poste. Le départ est donné en direction de l’estuaire de la Seine sous une salve de 1000 coups de canon.

Rejointe dans la nuit par le Rodeur , il faut attendre le flot et n’entrer sur le fleuve qu’au levé du jour. Vers 06h30 du matin, la flotille est visible avec les premiers rayons du jour.

La Normandie a hissé le pavillon impérial aux trois couleurs frappé du N sur le blanc et sont placés aux quatre coins du sarcophage, les généraux BERTRAND, GOURGAUD et MARCHAND et le comte CHABOT DE ROHAN. Le sarcophage est à l’arrière du bâteau , l’autel est habillé de velous brodé d’argent. Un vent glacial accompagne le convoi constitué de la Normandie, de la Seine, le Courrier, le Tancarville, le Quillebeuf, le Villequier et le Véloce ( ?). le cortège passe de l’eau salée à l’eau douce en prenant garde aux nombreux bancs de sable.

Une salve d’artillerie annonce l’arrivée au Val-de-la-Haye. En apparté, en 1810 l’Empereur avait un projet de pont de pierre. Pour situer, le futur Pont Corneille. Celui-ci devenait un obstacle infranchissable au passage du convoi mortuaire. En effet, les cheminées des bâteaux étaient trop hautes. Stationné à Rouen le convoi officiel et ses 10 bâteaux se préparent à rejoindre le point de rassemblement. L’opération commandée par DUMOULIN, inspecteur général de la navigation, est brusquement retardée par des conditions très difficiles : un épais brouillard, le froid et un bâteau casse même sa cheminée.

Au Val-de-la-Haye, un important dispositif de sécurité est en place : la garde nationale de la commune, celle d’Hautôt, un détachement du 24eme Léger, d’une demi-brigade de la Gendarmerie de Rouen, d’un corps de douaniers de Rouen forment ce dispositif.

De nombreuses personnalités sont présentes :

Le préfet du département le Baron DUPONT-DELPORTE , le Général TESTE, le Maire de Rouen Henri BARBET, le Colonel DARCEL de la Garde Nationale. Tous attendent les ordres du Prince de JOINVILLE. La flotille arrive enfin pour le transport du cercueil de l’Empereur. Les Etats Majors et équipage de la La Belle Poule se mettent en place selon les souhaits du préfet.

Le monument flottant de l’architecte LABROUSTE n’est pas encore prêt à Paris.

Monsieur CAVE, directeur des Beaux Arts, doute de l’efficacité du bâteau de Monsieur BURGH et demande à monsieur ROUVIN , armateur des DORADES, de mettre son ZAMPA (ex elbeuvien numéro 2) à disposition de l’architecte TAVERNIER pour être aménagé.

Il est 15h00 et les trois bâteaux peints en noir aborde le Val-de-la-Haye. Des salves sont tirées des deux rives du fleuve, des soldats sont blessés. L’un d’eux, DUAZE de la Garde Nationale de Petit-Couronne a la main arrachée. Les navires mouillent à la pointe du Val de la Haye en vis-à-vis du passage d’eau de Grand-Couronne. Le Curé du Val-de-la-Haye fait des prières, notamment l’absoute. Le maire du village Monsieur LEFEBVRE FLACARDOUX monte sur le bâteau pour saluer le Prince de JOINVILLE et lui présente les hommages du conseil municipal et ceux de la population et des villageois. A la demande de DUMOULIN, le Zampa se place en bord à bord avec la Normandie. Mais le Prince de JOINVILLE le trouve trop petit et donne l’ordre à l’inspecteur général de la navigation de faire avancer la Dorade 3. Le Prince de JOINVILLE donne l’ordre de le peindre en noir et de raser tout l’avant pour y placer le cercueil, celui-ci étant bien en vue et recouvert d’un drap mortuaire de velours violet. Le transbordement peut enfin débuter malgré le mécontement du responsable de la décoration qui est prié de quitter le navire. L’équipage se constitue de cinq matelots. En outre le Prince de JOINVILLE aura à ses cotés son état major, la commision de Saint Hélène et une compagnie de 100 hommes. Les deux Dorade et l’ Etoile sont occupées par trois compagnies de marins de la Belle Poule et de la Favorite. Par une nuit glaciale, les marins attendent et à l’aube, les berges s’animent tout ceci dans un grand silence.

Vers 08h30 de ce 10 décembre 1840, les brumes s’estompent et la flotille se met en mouvement. Un bâteau éclaireur la Parisienne ouvre le convoi sous le regard attentif de DUMOULIN. Suive le Zampa, avec la musique et les choristes ; la Dorade 3, la Dorade 4 avec les personnes attachées à la maison de l’Empereur ; puis les trois autres Etoile , la Dorade 1 et 2 et enfin le Montereau.

Une salve de 101 coups de canon donne le signal du départ.Le convoi passe à Rouen vers 11 heures pour une importante cérémonie et s’arretera à Pont de l’Arche pour y passer la nuit.

Le 15 décembre 1840, la flotille arrive à Courbevoie, et dans une marche triomphale le cortège funèbre rejoint les Invalides où pour l’arrivée du cortège est installée une teinture de couleur violet parsemée d’abeilles.

Napoléon :

« La mort n’est rien » avait-il dit le 12 décembre 1804 dans le soleil de sa puissance . « Mais vivre vaincu et sans gloire » avait-il ajouté , « c’est mourir tous les jours ».

Jacques Porte


Sources :

Archives municipales du Val de la HAYE, registres des délibérations du conseil municipal. (1840)
Lettre de DUMOULIN, inspecteur général de la navigation (Archives Nationales F21- 742, d28)
Archives municipales de Petit-Couronne, registres des délibérations du conseil municipal. (1840)
Jean Bourguignon, le retour des Cendres 1840, Paris, Plon.
Ilustration et Iconographie:
Photographies de Virginie PORTE pour la Colonne Napoléon au Val de la HAYE et le Tombeau des INVALIDES à PARIS.
Arrivée du cercueil de Napoléon au pont de Courbevoie (Peinture de Philippoteaux) in Jean Bourguignon, le retour des Cendres.